mercredi 6 février 2008

LES COMBATS DE LA CHIPOTTE (Vosges)


LA CHIPOTTE (col)

Le secteur du col de la Chipotte a été lieu de combats au corps à corps du 28 août au 9 septembre 1914 : passé cinq fois aux mains des français et des allemands , il a vu 4000 soldats français tomber et a été surnommé par les Poilus : « le trou de l’enfer ».

En ce lieu, est blessé le colonel MARCHAND et des milliers de braves y périssent. La Chipotte est le théâtre de l’une des plus opiniâtres, des plus méritoires résistances qu’ils opposent à l’envahisseur. Grâce aux efforts et à une lutte à pied souvent à la baïonnette, les allemands sont refoulés de plusieurs kilomètres. A la nuit, le bois est nettoyé jusqu’à la Chipotte mais les pertes sont énormes de part et d’autre. Ce combat terrible enlève aux allemands, l’idée d’opérations offensives de ce côté. Le col de la Chipotte, qui le 1er septembre n’est sauvé que grâce à l’énergie du général BARBOT, légendaire figure de soldat et de quelques unités près de lui qu’il lança sans hésiter sur une forte attaque allemande

Le 8 septembre 1914, le 21ème B.C.P. est transporté en chemin de fer dans la Marne au camp de MAILLY et le 11 septembre, l’envahisseur se replie à son tour avec armes et bagages. La ville de Raon l’Étape occupée connaît un régime de police sévère jusqu’au 11 septembre où la retraite allemande sonne. Dans l’après-midi du même jour, un certain nombre de raonnais sont arrêtés dont l’abbé CHRISMENT.

Le 12 septembre 1914, les allemands évacuent et abandonnent Raon l’Étape. Au matin, comme le dernier régiment part, les otages sont libérés. Laissé intact par le Génie français, le grand pont voit passer les combattants français et allemands de la Chipotte. A leur passage de retraite, les pionniers Wurtembergeois du 13ème bataillon allemand minent ce pont, celui du chemin de fer ainsi que les deux passerelles sur la Meurthe. Il explose le samedi à 4 heures. Les dégâts concernent l’arche centrale et le tablier qui sont détruits. Le 15 septembre, il ne reste plus rien de la grande rue à RAON et on ne trouve rien à manger. De la fin 1914 jusqu’à mi 1915, les deux agglomérations ne courent pas de grands risques. Février 1915, le trafic par voie ferrée reprend en nocturne en raison des bombardements ennemis très irréguliers.

Le 12 août 1915, pour la première fois, Raon est bombardée. Le premier obus tombe à 8 heures devant l’église Saint-Georges, il y a 4 blessés. Le bombardement continue pendant deux heures mais près de la gare. Les allemands lancent 63 obus de 130mm tuant 6 personnes et faisant 12 blessés. L’émotion est très grande, beaucoup de gens se sauvent. Le 7 septembre, un nouveau bombardement est commis avec 11 obus de lancés, et encore 2 soldats tués puis 4 blessés. Le 8 de ce même mois, le bombardement reprend 96 fois. Il n’y a heureusement pas de victimes. Cette fois les usines AMOS & Cie sont fortement endommagées et il faut cesser le travail. Un wagon prend feu à la gare et il est complètement brûlé. D’août 1915 jusqu’au 9 septembre, les deux communes sont bombardées 169 fois dont 56 sur les usines AMOS & Cie alors en pleine activité. Le 17 octobre 1915, visite de trois avions « boches », 1 soldat tué et 2 personnes blessées.

Durant l’année 1916 un entrepreneur de maçonnerie qui possède des immeubles a hâtivement construit des bâtiments provisoires en prévision du coût de commerce que provoque l’arrivée de nombreux militaires au repos. Du 15 mars au 9 juin 1916, deux compagnies du Génie maritime français établissent deux ponts PIGEAUD accolés de quinze mètres. Une voûte en maçonnerie, rétablie sur la largeur d’une voie, permet le passage de pièces d’artillerie lourde à grande portée. Passerelle provisoire qui est pendant le conflit gardée par une sentinelle.
Le front se stabilise ensuite à huit kilomètres à vol d’oiseau. La lutte se poursuit dans la vallée et la ligne se fixe à Celles-sur-Plaine (88). Durant le reste de la guerre, les allemands bombardent périodiquement les deux communes. Leurs cibles sont la gare, l’usine à gaz…. En 1917 et 1918, Raon l’Étape et La Neuveville connaissent leurs premiers mitraillages bombardements aériens.

Le 11 novembre 1918, Raon est informé de l’Armistice, dès 7 heures, et cela grâce à un poste de télégraphie sans fil installé par les troupes françaises. A 7 heures 43, les cloches de La Neuveville sonnent à toute volée le carillon de la victoire.

Extrait du carnet de route du médecin aide major GAUTIER, du 3ème bataillon du 163ème régiment d’Infanterie :

« Dès 5 heures, le 12 septembre 1914, nous partons précipitamment car notre Corps d’Armée prend l’offensive. Notre régiment, un bataillon du 157e et notre détachement de Chasseurs d’Afrique ont pour objectif Raon l'étape. Nous passons par Larifontaine criblé de trous d’obus et arrivons à Saint-Benoît. C’est ici l’image de la guerre dans toute son horreur : des combats acharnés s’y sont livrés. Tout est brûlé, l’église n’existe plus. Ce ne sont que ruines fumantes. Des cadavres carbonisés gisent partout ; l’un d’eux, celui d’un soldat allemand, gît au seuil d’une maison, transpercé par une baïonnette française encore fichée dans le corps. Nous découvrons le cadavre d’un commandant d’infanterie coloniale, abandonné dans une ferme et déjà noir et boursouflé. Le spectacle est hallucinant. Ce désert dans lequel nul n’a pénétré depuis plus de deux jours est peuplé de cadavres. Mais il ne convient pas de s’arrêter, nous devons poursuivre notre avance le plus rapidement possible. Nous gravissons vers 11 heures les pentes du col de la Chipotte. De nombreux cadavres français et allemands attestent l’âpreté de la lutte. Nous jetons un coup d’oeil rapide sur les tranchées allemandes aménagées superbement, et sur quelques abris qui dénotent chez leurs anciens occupants un sens, ignoré chez nous, du confort et de la sécurité. Rien n’y manque, et en descendant les pentes du col, ce ne sont sur les bas-côtés de la route qu’amoncellement de tonneaux, de bouteilles vides, de fauteuils, canapés et couvertures : ces messieurs aimaient leurs aises. Vers 16 heures, passant sur un pont qui vient d’être rétabli par le Génie sur la Meurthe, nous arrivons à la Haute-Neuveville et à Raon l'étape, par une pluie battante, dans une ville presque déserte. Je me mets à la recherche de l’hôpital pour y conduire les malades que j’ai recueillis et nous y abriter nous-mêmes si possible. Nous trouvons l’annexe des Soeurs de la Providence, accueillis avec un enthousiasme fou par les braves religieuses qui ne cachent pas leur joie et qui, les premières effusions apaisées, nous racontent les angoisses dans lesquelles elles ont vécu depuis trois semaines. La Supérieure, une petite soeur toute vieille et charnue, qui cache une énergie farouche, ne se lasse pas de me tenir les mains et de caresser ma misérable tenue toute couverte de boue ; les larmes aux yeux, elle me narre les angoisses qu’elle a connues pour ses chères compagnes. »
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BOULANGEOT Jules, chasseurs du 21ème B.C.P. est un jeune victime parmi tant d’autres sur le champs d’Honneur. Il prend part en août /septembre 1914 aux combats de la Chipotte (Vosges)ou il est blessé au mollet par un éclat d'obus entre le 31 août 1914 et les 15 premiers jours de septembre (date non certifiée : a priori blessé le 30 août 1914, date à laquelle le 21e B.C.P. a attaqué à la Chipotte). Redescendu en arrière du champs de bataille avec des camarades survivants au lieu-dit "Le Neuf-Etang" et de la célèbre ferme de la Chipotte, il est évacué sur ordres pour soins à partir du P.C situé à Saint-Rémy (88). Son hospitalisation dure six mois. Vers février 1915, Jules rentre pour les fenaisons en famille puis rejoint ensuite ce même mois, son régiment au secteur de Notre-Dame de Lorette (62). En ces lieux et pendant l'offensive de mai 1915 sur La Chapelle, en bordure de la sape V et VI, il est tué d'un éclat d'obus qui lui enlève le dessus de sa tête.

* Concernant son trajet d’évacuation, les ambulances du 14ème Corps d’Armée, qui ont pu – ou dû – se trouver à Saint-Rémy n’ont fait que de passer. Les formations sanitaires du 21ème Corps, auquel appartient le 21ème B.C.P. sont essentiellement entre Saint-Benoît, Autrey et Housseras. Les évacuations par train débutent dès le 26 août 1914 : le matin, l’ambulance 7/21 évacue « par un train de munitions » environ 220 blessés ; à 16 heures, un train évacue 150 blessés au départ d’Autrey. Le 27 août, 45 autres évacuations par le train depuis Autrey ; cette gare fonctionne toujours le 28 août, ce qui n’est plus le cas de celle de Rambervillers ; le 30 août, « la gare d’Autrey continue à fonctionner pour le ravitaillement et les évacuations », restent dans cette localité « 27 inévacuables, 15 couchés, 30 assis » et « un médecin allemand est évacué sur Gray convoyant des blessés couchés ». Enfin, le 1er septembre, le médecin divisionnaire de la 13e D.I. rend compte que le G.B.D. 13 (Groupe de Brancardiers de la 13e D.I.) relève des blessés vers le Haut du Bois et la Chipotte. Gray étant une gare régulatrice, c’est en effet par là que transitent de nombreux blessés, qui prennent ensuite des directions très variées : Vesoul, Dijon, Besançon, mais aussi Lyon, voire Vichy, voire plus loin encore.





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